Vers une meilleure compréhension des mécanismes moléculaires de l’autisme?

C’est l’ambition d’une étude de l’Inserm, rendue publique le 25 novembre 2022, qui s’intéresse à la prolifération d’un récepteur impliqué dans la cognition et l’émotivité.
14 décembre 2022 • Par Cassandre Rogeret / Handicap.fr

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Un dysfonctionnement des neurotransmetteurs (qui assurent le passage de l’information entre les cellules nerveuses) mis en cause dans l’autisme ? Si la compréhension des troubles du spectre de l’autisme (TSA) a grandement progressé au cours des dernières années, les mécanismes moléculaires sous-jacents demeurent assez mal documentés. Dans une nouvelle publication, des chercheurs de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) et de ‘université de Tours, au sein du laboratoire « Imagerie & Cerveau », ont ainsi cherché à mieux caractériser les dysfonctionnements du glutamate, l’un des neurotransmetteurs les plus importants du système nerveux, dans le cerveau d’adultes avec TSA. L’étude, publiée dans la revue scientifique Molecular Psychiatry le 25 novembre 2022, vise à améliorer la compréhension de ces troubles qui concernent environ 700 000 Français, et ainsi permettre d’affiner les recherches thérapeutiques.

Prolifération d’un récepteur impliqué dans la cognition et
l’émotivité

« A l’heure actuelle, les personnes concernées peuvent avoir recours à des traitements pour d’éventuelles comorbidités comme les troubles du sommeil ou l’épilepsie mais il n’existe pas de solution thérapeutique permettant d’améliorer les troubles du comportement ainsi que les altérations des interactions sociales associées », explique l’Inserm. Selon cet organisme de recherche, cette absence de traitement spécifique a longtemps été freiné, notamment, en raison d’une « connaissance parcellaire des mécanismes moléculaires et génétiques ».
Pour faire la lumière sur ce trouble énigmatique, les chercheurs ont tout d’abord quantifié les niveaux de glutamate dans le cortex cingulaire (région du cerveau divisée en deux parties) de douze adultes avec TSA et de quatorze adultes sans (participants témoins). Dans un second temps, ils se sont intéressés à l’expression des récepteurs du glutamate appelés « mGluR5 » dans leur cerveau.  mGluR5 est un récepteur abondamment exprimé au niveau du système nerveux central et en particulier au niveau du cortex cérébral, de l’hippocampe, du septum latéral, du striatum dorsal et du noyau accumbens, autant de régions cérébrales impliquées dans la cognition, le contrôle moteur et l’émotivité », précise l’Inserm. Résultat : des niveaux de glutamate très hétérogènes chez les adultes avec TSA mais une quantité de mGluR5 «particulièrement élevée », par rapport aux témoins.

Un mécanisme de compensation plus qu’une cause

Pour mieux comprendre la variation de mGluR5 à différents stades du développement,l’équipe a décidé d’évaluer ces récepteurs dans le cerveau de jeunes rats. Les analyses montrent que les quantités de mGluR5 des « rats avec TSA » et des « témoins » ne différaient pas pendant l’enfance. Cependant, à l’adolescence, ces récepteurs étaient présents en quantité plus importante dans certaines régions du cerveau des « rats TSA ». « Le fait que les mGluR5
soient exprimés en grande quantité chez les adultes TSA qui participaient à l’étude, mais pas aux stades les plus précoces du développement dans les modèles animaux, suggère que la surexpression de ces récepteurs ne serait pas une cause de ce trouble mais plutôt une conséquence qui apparaîtrait progressivement au cours de la vie », analysent les scientifiques. Cette variation pourrait être « un mécanisme de compensation en réponse à des
dysfonctionnements précoces des systèmes de communication plutôt qu’un élément primaire à l’origine du développement des TSA », complète Frédérique Bonnet-Brilhault, médecin au sein du CHU de Tours qui dirige l’équipe. « A l’heure où la recherche sur l’autisme est une réelle priorité, ces travaux pointent la nécessaire compréhension de la trajectoire de développement de chaque individu avec TSA pour distinguer les causes des mécanismes d’adaptation », conclut l’Inserm.
© Laurent Galineau/Inserm